Après m’avoir mise à la porte pour quelques heures, il y a deux jours, voilà que mon cher Sang Min a décidé qu’il était temps pour moi de retourner à la civilisation. Je sais, en un sens, qu’il a raison. J’ai accumulé un sacré retard, mine de rien, avec ce mois d’absence… mais je n’avais pas du tout envie de retourner à l’école, moi, ce matin! Je ne me sentais pas tout à fait prête à faire face à tous ces gens que je ne vois pas, mais que je sens et dont je sens les regards sur moi. Sans parler du fait que j’entends très bien leurs commentaires, qu’ils soient gentils ou non. Cachée derrière mes lunettes de soleil, je me sens toute petite. J’admets avoir très peur aussi… j’ai peur de me ridiculiser, de tomber, de foncer dans quelqu’un, de commettre une bêtise… Je n’ai pas cessé de répéter, en marmonnant, que ce n’était pas une bonne idée et que je n’étais pas d’accord. Cependant, ça n’a rien changé. Je soupçonne Sang Min d’avoir mis le temps sur pause pour me traîner à l’école sans que je ne puisse rien dire et ensuite me mettre devant le fait accompli. Non, je suis sûre qu’il l’a fait. J’ai beau ne rien voir, les parfums et les sons ont changé sans avoir leur évolution naturelle qu’ils ont toujours. Une fois devant l’université, je me suis crispée. Heureusement, mon ami m’a doucement tendu son bras. Je m’y suis agrippée et je l’ai suivi. J’espérais me fondre dans son ombre, qu’on ne me remarque pas. Évidemment, ça n’a pas marché. J’ai entendu mon nom être murmuré quelques fois, avec étonnement, avec pitié, avec dégoût, avec un total désintérêt…

Un petit sourire timide se dessina sur mes lèvres en entendant une voix heureusement familière. Parce que oui, j’ai quelques amis en dehors de Sang Min et Zara! Je m’éloignai de deux petits centimètres de Sang Min pour saluer mon ami qui m’avait littéralement sauté au cou, me faisant presque perdre mon équilibre. C’est plus grand et plus lourd que moi, mais pourtant, ça trouve le moyen de me sauter dessus comme une jeune fille svelte et élancée dans un champs de fleurs. C’est Sang Min qui avait mis sa main sur mon dos, me redonnant ainsi juste ce qu’il me fallait d’équilibre pour ne pas m’affaler sur le plancher. Je le remerciai en silence, avec un petit sourire à son intention. Mon ami monopolisa mon attention pendant cinq bonne minutes, à me demander comment j’allais, me dire que j’étais jolie – mais, ça, aveugle ou pas, je sais que c’est faux – il me raconta un peu ce que j’avais manqué aussi, me souhaita une bonne année et me quitta parce que son cours commençait bientôt. Je rougis puisqu’il déposa un baiser sur ma joue avant de partir. Je ne compris d’ailleurs pas d’où venait ce geste si soudain, il n’avait jamais fait ça avant. J’entendis Sang Min rire, puis il me lança une petite pique, me disant qu’il aimait bien comment les nuances de mon teint rosé s’agençait avec ma tenue. Je lui pinçai le bras pour me venger, il se plaint légèrement, mais ce fut mon tour de rire de lui. Il s’éloigna un peu de moi, en guise de boudage, mais je dus le laisser gagner cette fois-ci. Je n’avais aucune envie de me perdre dans l’école et sans lui comme guide, je suis foutue! Il le sait trop bien! Ce n’est pas se moquer d’une handicapée? Ou de la méchanceté envers moi?

Comme c’est Sang Min, je ne rechigne pas. Je l’ai probablement mérité pour vrai et puis, il m’endure assez comme ça, il peut bien s’en permettre un peu. Ce dernier mois, je n’ai pas été des plus tendres avec lui. Les fêtes n’ont en rien aidé à ce que j’ale bien, voir ma famille et entendre le changement d’attitude dans leur voix ou le remarquer dans leurs gestes envers moi… Ça n’a pas été très plaisant. Je voulais que rien ne soit différent, sauf que tout l’était… Je repris le bras de mon ami et repris ma place de seconde ombre fidèle. Je ne savais pas trop si j’espérais croiser Ho Chull… Je l’ai appelé avant qu’on ne vienne à l’université et il n’a pas répondu. Je lui ai donc laissé un – très lamentable, merci – message vocal. J’ai maintenant honte quand j’y repense. Ho Chull ne me reparlera jamais après ça, c’est clair! Je me collai un peu plus contre Sang Min à cette pensée, ça me rendait triste et je ne voulais pas qu’on le voit. Si j’embarquais dans les vêtements de mon ami, peut-être que j’arriverais à me faire passer pour lui. Il tenta d’être gentil, de me rassurer de me dire que tout se passerait bien. Après tout, les professeurs sont gentils et compréhensifs – en tout cas, avec moi. Nous arrivâmes en avance à mon cours, question que nous discutions un peu de la situation avec le dit professeur. Après quoi, Sang Min m’aida à trouver ma place habituelle et je m’installai. Mon ami me délaissa pour aller à son propre cours, me promettant de revenir pour m’aider à ne pas me perdre.

Je me sentis immédiatement nerveuse à l’idée de devoir affronter tous ces gens toute seule. La pression de ne pas faire d’erreur revint peser sur mes épaules. J’ai toujours eu peur de faire un malaise en plein cours – chose qui était relativement fréquente. Là, j’avais peur de faire un malaise ET de faire une gaffe à cause de ma nouvelle condition. Je me suis mieux adaptée que je ne le crois, ça c’est sûr. À la maison, les choses se passent bien, mais justement… à la maison, il n’y a que moi et Sang Min. Je n’ai pas peur de me ridiculiser et puis, je connais bien les lieux… j’ai eu le temps de m’y habituer de nouveau. Là, non. C’est différent. C’est un tout autre monde. Je me crispai légèrement sur ma chaise lorsque j’entendis la porte s’ouvrir, puis des pas entrant dans la pièce, des voix d’étudiants occupés à bavarder entre eux… Des choses qui me stressaient déjà quand je voyais d’ailleurs. J’avais le goût de partir du coup, mais je ne le fis pas. J’avais trop peur de tomber ou de foncer dans quelqu’un ou de frapper quelqu’un avec ma canne par accident. Je me retrouvais piégée. J’essayai donc plutôt de prendre mon mal en patience, plus que quelques petites heures et je serais de nouveau libre. Eurk… c’est horrible dit comme ça. Je frémis en entendant la chaise à ma droite être tirée, puis tournai la tête dans la direction opposée, tentant de cacher ma gêne.
Je fus agréablement surprise en reconnaissant la voix de mon voisin, qui s’adressait d’ailleurs à moi. Je rougis un peu et bien malgré moi, un petit sourire se dessina sur mes lèvres, alors que je retournai mon visage vers lui. Je me mordillai doucement la lèvre inférieure pendant une seconde, avant de répondre. " Euhm… allô… ça… euhm… fait longtemps… " C’est tout ce que j’ai réussi à marmonner?! Vraiment!? HONTE SUR MOI. J’eus l’impression de rapetisser sur ma chaise. Je mis ma main droite devant mon visage, pour essayer de me cacher un peu, j’avais l’air si stupide. Le professeur vint à mon secours en commençant à expliquer le déroulement du cours d’aujourd’hui. Son secours fut de courte durée : on faisait un travail d’équipe et on devait se trouver un partenaire. J’étais foutue, personne ne voudrait faire équipe avec moi… Je soupirai et me retins pour ne pas me cogner la tête avec désespoir contre le bureau. Je pris plutôt mon courage à deux mains et me retournai doucement vers mon voisin, Ho Chull. " Ça… euhm… te dérangerait de…. Euhm… qu’on se mette ensemble? " Je rougis encore et me dis que j’étais vraiment fichue. " Je comprendrais que tu dises non hein… je ne le prendrai pas mal… j’ai quand-même disparu sans rien dire… pendant… un mois… et après… bah je ne serais pas la meilleure partenaire qui soit… désolée… " Je marmonnai tout ça, me sentant de plus en plus mal au fur et à mesure. Au moins, je ne pouvais pas voir combien je le trouvais mignon… Chose triste cependant. Sauf que je pouvais très bien me l’imaginer, alors, au final, je ne faisais que me gêner moi-même encore plus… Je ne m’aide vraiment pas hein?

Beaucoup de choses se sont passées, en un tout petit mois. J’ai l’impression d’avoir manqué pleins d’événements – bien que je n'y aurais probablement été plus active pour autant. J’ai aussi cette crainte d’avoir perdu les quelques liens que j’avais avec les gens… Je sais que c’est stupide, parce que c’est de ma faute… J’aurais du essayer de contacter les gens, que ce soit d’appeler ou de proposer un rendez-vous ou simplement de demander à Chang Min de m’aider pour envoyer un message texte… mais voilà, j’étais gênée. J’avais peur de déranger. Enfin, je dis que j’étais gênée… c’est vrai, mais ce n’est pas la première raison. Au début, j’étais fâchée… je ne comprenais pas pourquoi, ça, je ne l’avais pas vu venir… Je me cognais partout et je me frustrais contre moi-même de ne pas y arriver du premier coup, je n’avais pas envie de côtoyer des gens… qu’on me demande comment j’allais. La réponse était simple : mal. Sauf qu’on ne peut pas répondre ça quand on est polie ou qu’on est la fille d’ambassadeur, il faut sourire et dire qu’on a vu mieux, mais qu’on va bien. Je n’en avais pas envie non plus. Je n’étais… pas sympathique. Ce n’était donc pas le temps d’avoir une vie sociale élaborée… Je crois que je serai chanceuse si quelques-uns de mes amis reviennent vers moi… Mais aucun ne l’aurait fait si j’avais essayé de les contacter pendant le dernier mois. Cela dit, je me sens quand-même mal, j’aurais dû donner un minimum de signe de vie… ça aurait été la moindre des choses… Pourquoi ne l’ai-je pas fait ;__; ?

Je stressais pour mille raisons, en attendant le début du cours, mais celle-ci était assez importante… puisque je craignais qu’Ho Chull soit dans ma classe et qu’il ne m’ignore complètement. Je ne dis pas que ce serait spécialement son genre, en tout cas, il ne m’a pas paru comme ça… il était si gentil, drôle et attentionné… et mignon aussi… J’aimais son rire et son sourire, je regrette, du coup, d’avoir été trop gênée pour le regarder… J’aurais aimé qu’on prenne une photo ensemble aussi, même si c’est bizarre… Je ne sais pas, je me dis que si ça arrive un jour, j’aurais l’air d’une ortho parce que je ne saurai pas dans quelle direction regarder… merci lunettes de soleil de le cacher! Mais bon, pourquoi est-ce que ça arriverait? On est allé prendre un café, on a bien ri, on s’est bien entendu… c’était… un moment très agréable ♥  presque trop, mais bon, ce n’est pas comme si ça allait se reproduire hein. On avait continué à discuter un peu, mais j’ai eu ce stupide accident inattendu, puis… je suis disparue, en quelques sortes… Aaaaaarg pourquoi j’ai fait ça ;_; C’est tellement stupide ;_; Stupide Jiji! Stupi… "  Ji Hyun Noona ! ~ " Quoi?! C’est.. vraiment lui? Qui parle… à moi? Ou il y a une nouvelle Ji Hyun dans la classe et je ne le savais pas? J’hésitai quelques secondes – pour ne pas dire mille – puis je finis par balbutier une réponse maladroite.

J’avais vraiment peur qu’il y ait effectivement une autre Ji Hyun, assise non loin et qu’il ne parle à elle…" Oui ça fait longtemps. " Ew… Je me sens horrible. J’allais m’excuser – parce que je ne le fais jamais, voyons – mais le professeur débuta le cours. Ce n’est peut-être pas si mal, il m’a quand-même donné une bonne raison de me taire et ainsi, m’a évité de me mettre la honte comme je le fais si souvent avec talent… Je ne pouvais pas non plus passer un petit message à Ho Chull, puisque… je doute qu’il arrive à lire ma nouvelle écriture… Je me fis toute petite sur ma chaise, à la place, cherchant comment expliquer les choses, comment essayer de me faire pardonner, comment ne pas avoir l’air stupide – mais ça, il est déjà trop tard… Je ne sais pas par quel miracle, j’arrivais à suivre distraitement ce que le professeur disait en même temps. L’annonce du travail en équipe me stressa, mais se présenta aussi à moi comme une chance… Une chance d’essayer de me rattraper, de m’excuser (plus d’un million de fois) et de peut-être arranger les choses? Mais choses à arranger y a-t-il? C’est une question qui me laissa perplexe quelques secondes, mais je finis par prendre mon courage à deux mains et proposer à Hororo de faire le travail avec moi… même si je ne vois pas pourquoi il accepterait…

" Pourquoi je ne voudrais pas être en équipe avec toi ? Je ne t'en veux pas de ne pas m'avoir appelé ou quoi que ce soit ... " Je me sentis VRAIMENT, VRAIMENT, VRAIMENT très mal en entendant ça. J’en fus même incapable d’esquisser un sourire tristement forcé. Je baissai simplement la tête, cherchant mentalement un moyen de me cacher mais comme je ne vois rien et que je ne connais pas assez bien l’environnement pour me sauver rapidement et efficacement… Je m’étrangle la voix sur un petit " Désolée... " J’avais l’impression d’avoir commis une des plus grosses bêtises de ma vie. Vous pouvez dire que j’exagère, mais moi et les relations sociales… c’est une histoire compliquée alors… peut-être aussi que c’est moi qui ai mal compris. Après tout, on a été prendre un café et un dessert, cool, mais il n’y a rien eu de plus… Il était charmant, un brin charmeur, mais ça, c’est peut-être juste dans ma tête. Peut-être qu’il est comme ça avec tout le monde, qu’il est simplement gentil. Ça existe les gens simplement gentils… et puis, c’est mon genre de me faire des films, même si je me dis que je ne dois pas m’en faire!

" En plus, tu es la meilleure de la classe, tu as toujours des super notes dans chacun des projets, ne dis pas que tu ne seras pas la meilleure partenaire. " J’esquissai un petit sourire de plaisir et rougis, ça fait toujours du bien d’entendre des compliments – surtout lorsqu’ils ne viennent pas de notre mère. Je t’aime maman, mais… tu comprends! Cela dit, ses hautes attentes vis-à-vis de ma personne me mirent quelque peu mal à l’aise aussi, j’allais forcément le décevoir… et cela m’attristait. " Je ne crois pas que je continuerai à être la meilleure de la classe, tu sais... J'ai eu beau essayé de me pratiquer, pendant le dernier mois, j'ai beaucoup perdu... et je me coupe pas mal... " Je cachai rapidement mes mains sous le bureau, j'avais encore au moins deux diachylons sur les doigts. Sang Min avait voulu me guérir, mais je lui avais dit de ne pas le faire, question que je m'habitue à faire attention lorsque je cuisine. Nul besoin de vous dire que ces deux diachylons sont les deux seuls survivants d'une longue lignée... J’eus un peu peur, alors, qu’il ne change d’avis et ne préfère faire le travail avec une autre personne… mais, encore une fois, j’aurais compris. Je ne suis pas vraiment utile si je mets mon sang partout, encore moins si j’ajoute des bouts de doigts à nos recettes!

Je n’osai rien ajouter, même si j’avais plusieurs questions en tête et encore plus d’excuses! Le professeur passa des feuilles, il m’en donna une spécialement pour moi. Je glissai mes doigts indemnes sur sa surface et lu à voix haute, en même temps que Ho Chull le dit ce qu’était notre ingrédient secret : '' La framboise. '' Un petit sourire timide se dessina sur mes lèvres malgré moi et je rougis quelque peu. '' Désolée... '' Un petit sourire timide se dessina sur mes lèvres malgré moi et je rougis quelque peu. Pourquoi je m’excusais pour l’avoir dit en même temps que lui? Moi-même je ne le sais pas, mais c’était sorti tout naturellement! '' Tu as quelques idées en tête ? '' Est-ce que j’avais une idée… Eeeehh… '' Pour l'entrée... Eeehh... un émincé d'avocat à la framboise et aux noix? Ou... eeeehh... Une petite salade framboises, melons et magret de canard séché? ''En vérité, dans la seconde comme ça, je ne savais pas trop. Je ne voulais pas avoir l’air de ne rien savoir et c’est justement ça qui me bloquait. Je devais réagir vite, pour ne pas avoir l’air d’une abrutie et l’impressionner, mais voilà, j’ai toujours l’air d’une abrutie! Surtout avec lui… pourquoi surtout avec lui… ça me faciliterait les choses si ce n’était pas le cas! '' Tu as sûrement de meilleures idées que moi... non? '' Bon, je venais de le lui semi-avouer? Quelque chose dans le genre en tout cas… '' Sinon... on peut... toujours faire une soupe froide aussi... il suffit de trouver avec quoi accompagner les framboises... et là... j'admets que mon cerveau... est contre moi... parce que... '' MAIS QU’EST-CE QUE JE DISAIS LÀ MOI?! J’ALLAIS LUI DIRE QUOI?! NAMÉHO!? Je soupirai et passai une main sur mon visage. Pourquoi j’avais commencé ça?! Oublie... ce que je viens de dire... mon cerveau est... mort... ouais... c'est ça... ''